Here Comes the Sun
C’est le titre d’une chanson des Beatles. A l’heure d’écrire ces quelques lignes, c’est spontanément le titre
qui me vient à l’esprit: c’est une belle ballade, je l’ai eu en tête pendant quelques une de mes longues sorties d’entrainement, et elle colle bien, mélodiquement et rythmiquement, à l’idée que je me fais du sport en général et de l’Altriman en particulier.
Bon, comme je ne vais pas vous la chanter, je vais plutôt vous parler de mon triathlon. Cela fait 13 ans que je traine dans les parcs à vélo des Bouches du Rhône, de France et même d’Europe puisque je me suis lancé dans l’aventure de Lanzarote il y a quelques années. En présentant les choses sous cet angle, on pourrait penser que je suis un athlète de niveau National, voire International. Je vais donc être clair : il n’en est rien, mais alors, rien du tout! Je n’ai jamais approché, de près ou de loin, un podium de triathlon, et la seule fois où j’ai fait un top 100, c’était quand on était que 85 au départ, mais, est un signe ? c’était lors de l’Altriman 2010.
Mon niveau modeste ne m’empêche cependant pas d’aimer la compétition, même si avec le temps, (on peut dire avec l’âge aussi, ça revient au même mais c’est moins joli), avec le temps donc, les courses se sont un peu espacées. Il m’est même arrivé de faire des saisons blanches… Mais j’avais gardé un si bon souvenir de mon premier Altriman, que je m’étais promis d’y revenir un jour. J’avais tenté 2013 mais, insuffisamment préparé, j’avais dû abandonner, et donc ça ne compte pas.
Ce sera donc 2018, le 7 Juillet précisément. Dans l’aventure j’ai convaincu Pierre et Lionel (2 anciens de mon club de triathlon) de m’accompagner. Nous n’avons malheureusement pas souvent l’occasion de nous entraîner ensemble, mais les savoir embarqués avec moi me donne un supplément de motivation.
Bon, parlons un peu de l’entrainement. Je vous explique, c’est assez simple :
Peu de natation, non pas que je sois excellent dans la discipline, loin s’en faut, mais d’une part c’est le sport que j’aime le moins des trois et d’autre part, ce sera le plus petit morceau de mon escapade du 7 Juillet. J’ai donc décidé donc de garder mon énergie pour d’autres combats, même si j’ai, un peu augmenté la fréquence des entrainements ans cette discipline les 6 dernières semaines
Beaucoup de vélo en revanche. L’hiver des séances spécifiques sur home trainer, tout seul comme un abruti dans le garage à 4°C…Ensuite un séjour très agréable à Aix les Bains, en Avril, pour accumuler du dénivelé, 13 000 mètres quand même au total sur les 9 jours. Et puis le printemps en Provence avec des sorties longues pour peaufiner tout ça
Je suis régulièrement accompagné dans mes sorties vélo par Thierry, collègue de club et de travail, qui prépare l’Alpsman, et par José, collègue de travail mais pas de club, qui ne prépare rien, mais qui vient quand même. Et comment ne pas mentionner également les traditionnelles sorties club du samedi ou dimanche matin, « rdv 9 h à la piscine » avec les collègues de club mais pas de travail. Des fois, je suis tout seul aussi…
Pour la course à pied, mes tendons ne m’autorisant plus de séances très rapides sur piste, je me contente de footing, parfois longs, parfois incluant quelques variations d’allure, et parfois le soir ou le matin à la lueur de ma frontale. Au total, ça fait quand même pas mal de kilomètres, assez en tout cas pour me rendre confiant dans ma capacité à en courir-marcher 42 de plus le 7 Juillet.
Ah, j’oubliais un détail quand même. Sous mes airs, je le prends cool, Here Comes the Sun et tout et tout, j’ai quand même fait ma fashion victim en changeant mon « vieux » vélo, contre un tout neuf, dérailleur électrique, hyper léger, rigide, roues spécial montagne, déco aux couleurs de mon club…. Pas sûr que j’aille beaucoup plus vite avec ce changement, mais pour le moral, il n’y a pas de doute : c’est excellent !!
Vous savez maintenant tout de ma préparation, et si je rajoute que j’ai eu la chance de ne pas connaitre de blessures et d’avoir une météo plutôt clémente lors de ma préparation, vous comprendrez, et si vous ne comprenez pas relisez tout depuis le début ça va bien finir par rentrer, que je suis plutôt optimiste en arrivant aux Angles.
Mais, optimisme, ne rime cependant pas avec béatitude. Le parcours a changé depuis 2010, Benoît, l’organisateur a cru bon de rajouter du dénivelé et moi j’ai 8 ans de plus, Je l’ai bien vu lors des entrainements qui se sont quand même passés à une vitesse un poil en dessous de 2010. Je sais donc que la gestion de la course, et en particulier le vélo, sera essentielle. La marge de manoeuvre entre exploser parce que départ trop rapide, et se faire coincer par la barrière horaire est ténue. Here Comes the Sun, mais pas trop.
J’ai de plus un atout de taille dans mon entreprise : j’ai étudié le parcours sous toutes ses coutures, appris les altitudes de chaque col par cœur, je sais parfaitement ou sont les ravitaillements et ce qu’on peut y trouver et j’ai bâti une stratégie d’alimentation en fonction, j’ai fait une check-list avec tout le matériel dont j’aurai besoin de façon à pouvoir le répartir entre les différents sacs de transition ou de ravitaillement personnel. Inutile, par exemple, de prévoir une chambre à air de secours dans le sac pour a course à pied, elle sera beaucoup plus utile dans le sac dans le sac vélo ! Je n’ai rien laissé au hasard et je suis assez fier d’expliquer tout cela à Pierre et Lionel le week-end avant la course.
Aussi c’est avec une certaine déception, le mot n’est pas trop fort, que je me rends compte le vendredi à 17h que j’ai oublié mes lunettes de natation…. MAIS QUEL CON !!!! Elles étaient pourtant sur la check-list. On s’en fout de ta check-list, couilloneau !! Gros coup de stress, je fonce acheter une paire à l’Intersport du coin, mais le seul modèle qu’ils ont est vraiment pas terrible et je me vois mal nager avec ça. Heureusement Lionel, s’il n’a pas de check- list, ne sait pas où il va manger sa troisième barre énergétique, et ne sait pas à quelle altitude est le col de Pradel, a une paire de lunettes de secours (de très bonne qualité celle-ci) et accepte de me la prêter. En plus il ne m’a pas trop chambré, il y avait pourtant de quoi…
J’y suis presque, ça fait dix minutes que je suis rentré dans le parc à vélo. Il fait nuit noire et c’est donc à la frontale que j’effectue les derniers préparatifs
Dans 30 minutes le départ : le trouillomètre a dépassé depuis longtemps le niveau « alerte », et est en zone rouge, Je sais ce qui m’attends et combien cela va être difficile. Je m’enferme progressivement dans ma bulle, et je ne suis visiblement pas le seul. Il règne dans ce parc à vélo un calme impressionnant. L’unique raison pour laquelle on entend aucune mouche voler est que ces bestioles sont moins connes que nous, et la nuit elles dorment ….
Malgré la peur, ou peut-être à cause d’elle d’ailleurs, je savoure cette atmosphère extraordinaire. Cette phase de savourage me redonne progressivement confiance, la brume de la peur se déchire, laissant apparaitre les coins bleus du bonheur de l’aventure à venir. Here Comes the Sun est en train de gagner la première manche, dirait-on….
Bon, au cas où il y aurait des linguistes parmi mes lecteurs et afin de ne pas compromettre définitivement mes chances de rentrer un jour à l’Académie Française, je précise que je sais bien que le mot savourage n’existe pas. Mais il est 5h15, savouration ou savourement ce n’est vraiment pas beau et, de toute façon, ca n’existe pas non plus.
Il est temps de se mettre à l’eau, non pas pour m’échauffer, j’aurai bien le temps dans la journée, mais pour faire rentrer un peu d’eau dans la combinaison et ainsi éviter le choc thermique au moment du départ prévu, croyais-je, à 5h30.
Je ressors de l’eau à 5h25 juste au moment où on annonce qu’à cause du brouillard de plus en plus épais, le départ est repoussé à 6h…je passerai donc 30 minutes mouillé au bord du lac, dans le brouillard. Bien joué, Gillou !
A 5h50 on nous apprends que le brouillard est trop dense et on change donc la natation : au lieu de 2 traversées du lac en aller-retour, on fera 4 boucles le long des berges du lac, pour ne perdre personne . Du coup la distance passe de 3800m à 3200m annoncés et 2700 en réel.
A 6h10 nous nous élançons enfin. Je n’ai pas bien compris comment est tracé le parcours de substitution, mais comme je n’ai pas prévu d’être le premier, ce n’est pas bien grave, je n’aurai qu’à suivre. A chaque boucle il y a 2 sorties de l’eau, une très courte de quelques mètres l’autre un peu plus longue pour courir sur le ponton et entamer la boucle suivante. Sûrement à cause de ce swim and run, j’attrape des crampes lors du 3eme tour. J’arrive à les faire passer, mais elles reviennent au moindre mouvement un peu brusque.
Ça y est la dernière boucle est faite. Un coup d’oeil au chrono m’indique 48 minutes, mais comme je ne sais pas combien on a nagé, cela, ne m’est d’aucune utilité.
Tout cela est peu chaotique et j’ai peur d’avoir perdu certains de mes lecteurs. Voici donc un résumé très synthétique, pour que chacun s’y retrouve : il y a beaucoup de brouillard, le départ est retardé, on fait 4 boucles au lieu de 2 mais elles sont plus courtes, j’ai eu des crampes au 3eme et 4eme tour et j’ai mis 48 minutes, mais on sait pas si c’est bien.
Direction le parc à vélo pour enlever la combi, le bonnet, les lunettes (ne pas oublier de les rendre à Lionel…), se sécher, mettre le cuissard et le maillot de vélo, le casque, les lunettes de vélo, les chaussettes et les chaussures, le dossard, prendre un bout de gâteau énergétique pour la route, boire un coup, dire il fait pas chaud et pousser le vélo jusqu’à la fameuse ligne à partir de laquelle on peut monter dessus. Pour faire tout ça, il m’a fallu 10 minutes. Et encore, je me suis dépêché !
Et c’est parti pour le vélo. Le parcours est plutôt accidenté : la Llose, Creu, Palheres, Pradel, Dent, (prononcer Dinttt) Garavel, les Hares (j’inclus Carcanières dans les Hares) … En résumé quand ça ne monte pas, ça descends et quand c’est plat ça dure pas.
La première boucle, 35 kilomètres environ, présente relativement peu de dénivelé. Enfin un peu quand même, avec le col de la Llose et le col de Creu, mais on n’affronte pas de pourcentage important. Le risque est donc grand, avec l’euphorie et l’énergie du départ, de s’emballer et de passer ces bosses en sur-régime. Je m’emploie à monter en souplesse, en étant très attentif à mes sensations. Je me force aussi à bien m’alimenter et boire, Je me fais beaucoup doubler mais n’y attache pas d’importance. C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses.
Au village d’Ayguetebia (rien que le nom est déjà superbe) nous obliquons vers une toute petite route que je ne connaissais pas. Elle est en très mauvais état mais a le mérite de nous faire découvrir un panorama époustouflant. C’est aussi pour cela que l’Altriman est une course à part.
Retour sur Matemale ou Virginie m’attends au ravitaillement. Je l’informe que tout va bien, mes crampes qui l’inquiétaient se sont plus qu’un lointain souvenir. J’échange mes bidons vides contre des pleins et je repars pour la longue descente, peu pentue qui nous amène au pied du Port de Palheres. Passage par le village de Mijanès, ou tout comme en 2010, remontent en moi les souvenirs des vacances familiales vers 1971 ou 72. Pas trop le temps de philosopher sur le temps qui passe mais quand même, la traversée de ce village produit toujours son petit effet sur moi.
Le Port de Palhères, en voilà, un col qu’il est raide ! 11kilomètres à 8% de moyenne, une route étroite et des lacets, du soleil et un point culminant à 2001m. J’adore ce col, qu’on peut monter au train sans à-coup. Au sommet, outre la vue magnifique, il y a Bigpeuf . Un gabarit impressionnant, un coeur gros comme ça, c’est le plus célèbre des bénévoles de l’Altriman. Je crois qu’il a fait toutes les éditions de l’Altriman au sommet de Palheres. Depuis 2009, il a eu la grêle, la neige, la pluie, le vent, la chaleur, mais il est toujours là, aux petits soins pour les coureurs. Je voudrais, mais ne peux pas, remercier tous les bénévoles, alors à travers Bigpeuf, je vous adresse à tous ce grand merci que vous méritez tant.
Allez, ce n’est pas qu’on soit pas bien, mais j’ai encore un peu de route, alors je m’élance dans la descente. Je suis plus à l’aise sur mon nouveau vélo dans cet exercice, ça me permet, premièrement d’être moins crispé que d’habitude et donc d’économiser un peu d’énergie, deuxièmement de ne pas perdre trop des secondes que j’ai durement gagnées dans la montée.
Après le Port de Palhères, on attaque le col de Pradel, puis le col de Dent. C’est la première fois que je fais ces 2 cols ils n’étaient pas là en 2010 ou 13. Je passe rapidement sur le col de Pradel, non pas que je n’ai rien à dire car là aussi les paysages étaient magnifiques, mais je ne peux pas tout raconter.
Le col de Dent m’inquiète. Les témoignages des cyclistes l’ayant affronté concordent pour dire que le pied est très dur, irrégulier avec des passages à très forts pourcentages. C’est dans le village de Cailla que commencent les hostilités. A ce moment-là j’ai 120 kilomètres et 4 cols dans les jambes, c’est donc très humblement que j’attaque les premières pentes du col. Effectivement c’est dur. Mais je double quelques concurrents qui semblent beaucoup plus en difficulté que moi : ils se déhanchent à chaque coup de pédale, font des zig-zag pour couper la pente ou trouver l’ombre des arbres. Je ne peux m’empêcher de penser que dans le lot il y en a sûrement qui m’ont « déposé » dans la première partie du parcours et qu’ils payent maintenant le prix de ce départ trop raide. In petto, je loue ma sagesse, Here Comes the Sun. D’ailleurs le Sun il commence à bien taper, on évolue dans ce col entre 400 et 1200m, et il fait donc beaucoup plus chaud qu’aux Angles qui est à 1600m.
Le sommet arrive comme une récompense et il me reste à basculer dans la descente pour arriver au ravitaillement de Bessède sur Sault. Comme pour Mijanès, on pouvait donner à l’organisation un sac de ravitaillement personnel qu’elle nous amène à Bessède. C’est couillon à dire, mais retrouver, SES barres énergétiques, SES bidons, SA chambre à air de secours, fait du bien au moral ! Un peu l’impression de retrouver à la maison. Pour nous faire gagner un peu de temps un bénévole s’est placé 30 mètres en amont et annonce en criant le numéro du dossard du concurrent arrivant de façon à ce que ses collègues bénévoles puissent préparer son sac personnel. A Bessède celui qui assure cette noble mission a un accent local à couper au couteau, que dis-je, à la tronçonneuse : trrente quatrre ! quarrante deux ! C’est superbe !
A partir d’ici on reprend le parcours de 2010. Je sais donc que Garavel est très facile au début puis très dur pendant 3 kilomètres et enfin un peu plus facile au sommet. Finalement ça se passe bien et j’attaque l’avant dernière difficulté, la fameuse côte de Carcanières : 3 km, 12-13%. C’est au pied de cette côte que j’avais abandonné en 2013. Dépasser ce point-là est donc symboliquement une petite victoire pour moi. Je suis dans le dur je me concentre sur chaque tour de pédale, le regard fixé sur la route 2 m devant mon vélo. Les cuisses brûlent mais pas d’autre issue que de continuer à monter. Sur le plat on peut toujours ralentir pour récupérer, mais ici quelle que soit la vitesse, c’est difficile. Je parviens quand même à rester dans un degré de douleur acceptable et j’ai même lâché le triathlète qui m’accompagnait, preuve que j’ai assez bien passé la difficulté. Ouf !...courte descente, puis remontée, puis …encore une côte. Ça y était tout ça en 2010 ??? Sûrement que oui, mais je ne m’en souvenais pas. Dernier ravitaillement à Quérigut et j’attaque le col des Hares qui me semble bien facile après l’enchainement Garavel/Carcanières !
Les Angles se rapprochent, quelques gouttes de pluie mais rien de bien méchant, et je tourne à gauche pour prendre la petite route forestière menant au parc à vélo et …le voilà ! Ma montre affiche 11h15 pour la partie vélo. J’espérais entre 10h et 11h, mais c’était sans compter sur le col de Dent rajouté par rapport à 2010. Je suis donc très satisfait et me joue un petit coup d’Here Comes the Sun dans la tête pour fêter ça.
Une fois posé le vélo, je m’assieds sur ma chaise et prends 2 minutes pour faire le point. Natation et vélo sont passés, j’ai une avance confortable sur la barrière horaire. Je me projette sur la course à pied, en visualisant les points clés. Premièrement ne pas partir trop vite. Le risque est faible car même si je ne suis pas épuisé je suis quand même bien entamé. Ne pas oublier quand même de vérifier souvent l’allure sur les 5 premiers kilomètres. Deuxièmement boire dès le départ. Je me suis bien alimenté sur le vélo, il faut continuer. Troisièmement …rien ! Deux choses à se rappeler, c’est bien assez à ce stade de la course.
Virginie me pose alors une question toute bête : « tu te sens de faire un marathon là ? ». Je prends mon air le plus sûr et lui réponds que oui. Mon nez a dû s’allonger un peu…
Bon, si vous avez eu de mal à suivre ma description du parcours natation, accrochez-vous car le parcours course à pied est pas mal non plus. Nous avons 2 boucles à faire, et chaque boucle est composée d’un aller-retour tout plat jusqu’à la digue du lac et en forêt (5km), on repasse devant le parc à vélo puis la deuxième partie de la boucle, la plus longue (16km) nous fait monter aux Angles, descendre sur le lac de Balcère (un autre lac pas le premier où il y a le parc à vélo) et retour au parc à vélo. Vous pouvez vérifier :(16+5)*2 =42
Les premiers kilomètres sont douloureux mais se passent bien. Par contre quand on entame la montée vers les Angles, je suis obligé d’alterner marche et course tant mes ischios sont raides. A un ravitaillement, je vois arriver Lionel, il est en train de finir sa première boucle ...il fait une sacrée course, il a plus d’une heure d’avance sur moi. Je le félicite et continue mon chemin. Nous prenons de petites ruelles à travers les Angles, des portes antiques, des escaliers, c’est très joli et pas du tout monotone. Par contre la longue montée de l’avenue de Balcère l’est ! 1 kilomètre, 10% et tout droit. Je la passe en marchant puis descente vers le lac de Balcère toujours aussi joli, mais je ne m’attarde pas. Demi-tour et retour au parc à vélo à 8 km de là, pour finir la première boucle. Il m’arrive alors quelque chose d’assez fréquent en longue distance et très agréable : sans que je sache pourquoi, j’ai un regain d’énergie, mes jambes sont moins douloureuses. Je sais par expérience que ces moments sont éphémères mais je fais comme si ça allait durer jusqu’à l’arrivée et c’est donc à une très bonne allure que je ferai toute la descente vers le parc à vélo. A l’entame de la deuxième boucle, mon moment d’euphorie est passé. Here Comes the Sun est en train de s’éteindre pour deux raisons : d’abord la nuit tombe et ensuite arrive ce moment, lui aussi très classique dans un Ironman, où la jauge d’énergie est à zéro, et où on négocie avec soi-même la moindre foulée.
Le croisement de Lionel qui en terminait avec son Ironman dans l’excellent temps de 15h55 (je mettrai 2 heures de plus), aura été un des rares moments de lumière dans ce deuxième tour.
Les secondes, les minutes passent… lentement…j’essaye de trouver des sources de motivation, comme je peux. Surtout occuper l’esprit pour que la douleur ne devienne pas l’unique pensée. A un moment, j’ai compté mes respirations. Au bout de 100 respirations à courir je m’autorisais à marcher quelques mètres. Puis je compte ceux que je croise après le demi-tour de Balcère : ils sont forcément derrière moi. J’en compterai trente. Et, je ne me promets qu’aucun ne me doublera. Mais à un ou deux kilomètres de la ligne j’entends des pas derrière moi : merde ! je suis en train d’être rattrapé ! et quand il me double impossible de m’accrocher, il va trop vite pour moi! Plus qu’une solution pour gagner mon pari : rattraper celui de devant qui doit être au moins à 200 m. Ca fait un petit moment que je lorgnais dessus mais pas au point d’espérer le rattraper. Plus le choix ! J’accélère et me rends compte en m’approchant que le pauvre n’en peut plus et c’est donc sans grande difficulté, mais sans beaucoup de gloire non plus que je la double pour compenser la place que j’ai perdue 3 minutes plus tôt ! Bien sûr tout cela est anecdotique maintenant….
La ligne d’arrivée est là, plus que 20 mètres. La lumière et la musique ont remplacé la nuit noire et le silence des sous-bois que je traversais il y a à peine 10 minutes. Virginie m’attends le téléphone à la main pour immortaliser l’instant (on a oublié le super appareil photo acheté il y a peu à Istres...). Nous aurons donc des photos un peu floues en guise de souvenirs !
Il est difficile de décrire le ressenti de ces moments, la douleur est encore présente mais elle n’a plus le premier rôle, elle s’efface devant la satisfaction et aussi une forme de soulagement. Mais bientôt arrive aussi la nostalgie. Pendant de longs moi j’ai vécu tendu vers cet objectif, j’ai apprécié chaque seconde de la préparation et tout cela se termine.
J’ai parlé de Lionel tant sa performance m’a impressionné, sans oublier ses lunettes de natation elles aussi fantastiques. J’ai un peu moins parlé de Pierre pendant la course pour l’unique raison, qu’il a malheureusement vu la porte de la barrière horaire vélo se fermer sous son nez et qu’il n’a donc pu faire la course à pied. Il a accueilli cette mésaventure avec toute la philosophie qui le caractérise. Il sait bien qu’au-delà d’une performance sportive de toute façon modeste, ce qui compte ce sont les émotions, les instants partagés. Et nous avons eu notre compte tous les trois ce samedi au Angles.
Je ne peux bien sûr pas terminer ce récit sans parler d’une autre performance. Pendant un an, il a fallu manger à 19 h et léger par ce qu’après il y piscine, ou alors manger après 21 h parce qu’il fait beau et qu’il y a vélo, ou alors faire sonner le réveil à 6h pour courir avant d’aller au travail, ou ne pas manger de sucre le mercredi soir pour entrainer le corps à puiser dans les graisses (ma dernière lubie), bref « vivre triathlon ». Merci Vivi d’avoir accepté car je sais que c’est parfois difficile. Ton soutien et amour était indispensable à la réussite de l’entreprise, et j’en ai parfois abusé égoïstement.
Here comes our Sun